5 méta-compétences pour développer son intelligence entrepreneuriale

5 méta-compétences pour développer son intelligence entrepreneuriale

Comme entrepreneur du web, nous naviguons dans un océan d'information souvent contradictoires. Des experts de toutes les industries – allant du marketing, à la productivité, en passant par la gestion du stress et des relations-clients – s'époumonent à coup de conseils et de recommandations, espérant percer le bruit ambiant avec leurs solutions révolutionnaires. En 2021, une personne moyenne est soumise à environ 6,000 à 10,000 messages publicitaires par jour. Ce nombre est encore plus élevé pour celles dont une partie du travail est de naviguer à travers cette surabondance de contenu!...

Notre cerveau, cet organe tribal vieux de plusieurs millénaires, n'a jamais été conçu pour gérer cette surcharge cognitive constante. Notre architecture neuronale s'est développée pour survivre dans un monde où les menaces étaient immédiates et les ressources limitées – pas pour filtrer des milliers de signaux numériques quotidiens cherchant à nous faire consommer toujours davantage.

L'entrepreneuriat moderne crée ainsi une tension fondamentale : alors que nous sommes biologiquement programmés pour partir à la recherche d'information, les technologies du quotidien nous empêchent, de par leur ubiquité, à la traiter efficacement.

Cette tension crée une "brume décisionnelle" – un état où, malgré toutes les données à notre disposition, la clarté (et donc la décision) ne se fait pas. Nous nous retrouvons paralysée entre plusieurs options, toutes nous semblant aussi valides les unes que les autres.

Ce n'est pas un problème de motivation ou de détermination. C'est une question de discernement – cette capacité à distinguer le signal du bruit et à transformer l'information en soutien à l'action.

Ce discernement entrepreneurial – que je vais appeler "intelligence entrepreneuriale" pour le contextualiser à notre contexte professionnel – va bien au-delà de simples connaissances ou techniques. C'est une forme de sagesse adaptative qui combine intuition, analyse critique et conscience de soi et de notre environnement.

Contrairement à l'intelligence académique ou même à l'intelligence émotionnelle, l'intelligence entrepreneuriale est spécifiquement calibrée pour naviguer dans l'incertitude inhérente à la création et au développement d'une entreprise. Elle s'acquiert pas en lisant davantage d'articles ou en absorbant plus de contenus, mais bien en cultivant un ensemble de compétences qui nous aident à filtrer, évaluer et intégrer l'information d'une manière qui nous sera profondément et personnellement utile.

Après des années à accompagner des entrepreneures, j'ai identifié cinq méta-compétences clés qui forment cette intelligence entrepreneuriale. Je t'invite à les explorer avec moi pour comprendre comment elles peuvent t'aider à retrouver ta souveraineté décisionnelle dans un environnement entrepreneurial saturé de bruit.

1. La régulation émotionnelle, aka habiter son corps

Dans un monde qui considère l'expérience rationnelle-cognitive comme supérieure à tout le reste, nous avons perdu l'habitude de ressentir via notre corps. Ainsi, dès qu'on expérimente une sensation physique jugée désagréable (ex. ta poitrine qui se sert quand tu prospectes ou tes pensées s'embrouillent lorsque tu écris), on estime immédiatement qu'il y a un danger à l'horizon.

Au lieu d'observer la sensation et d'analyser proactivement comment agir avec l'information qu'elle nous donne, on laisse notre cerveau limbique prendre le volant.

En pensant qu'on a "fait quelque chose de mal" (aka on s'est mis la main dans un nid d'abeilles), on tente de fuir l'inconfort en se réfugiant dans nos processus cognitifs. On cherche donc plus d'information (par le biais de formations), plus d'explications (par le biais de coaching, d'audits), et on tombe plus facilement en mode réaction...

Or, ce dont on a le plus besoin à ce moment-là, ce n'est pas de "fixer le problème" le plus vite possible, mais d'abord de calmer notre système nerveux afin d'être en mesure d'analyser calmement la "menace" perçue. Cette méta-compétence de régularisation du système nerveux est donc intimement ancrée dans notre expérience d'habiter notre corps. L'objectif : reconnaître quand le cerveau limbique prend les commandes et initie une réponse traumatique.

Mais attention! Régulariser son système nerveux ne veut pas dire de s'en dissocier. Ça ne veut pas dire de se gaslighter à travers plus de travail de mindset ou de reprogrammation forcée (beaucoup trop de modalités de coaching sont des générateurs de honte déguisés en "stratégie" et en "self-care"). Ça ne veut pas dire d'éviter toute réaction.

Ça veut simplement dire d'apprendre à vivre l'expérience d'activation afin de comprendre comme le corps lui aussi est en train de traiter certaines informations qui lui parviennent.

Ce qui mène à notre deuxième méta-compétence.

2. La gestion du risque, aka connaître ses seuils de sécurité

Tu vois que tu as moins de demande ce trimestre-ci que le trimestre précédent, qu’est-ce que tu fais?...

Est-ce que tu lances une nouvelle vente-éclair pour pallier à la différence? Est-ce que tu revamp ta formation pour ajouter plus de valeur? Est-ce que tu baisses tes prix?

Comme avec tes actifs financiers, ta capacité à absorber le risque est propre à toi.

Elle va dépendre de tes circonstances financières – as-tu un-e partenaire qui peut prendre en charge une baisse de revenus? as-tu une carrière que tu peux reprendre n'importe quand? as-tu un réseau bien garni? des REER? des actifs financiers en cas d'urgence?...

Et psychologiques -- as-tu un historique intergénérationnel de pauvreté? as-tu une capacité moindre à expérimenter le stress et les changements?...

Connaître tes seuils de sécurité minimaux et apprendre à bien connaître ton profil de risque personnel va t'aider à d'identifier les bonnes données à collecter pour prendre des décisions dans ton entreprise.

L'information devient pouvoir uniquement quand on a la bonne entre les mains!

3. La pensée critique, aka cultiver son autorité interne

Notre cerveau tribal est programmé pour suivre les leaders et imiter le groupe. Nous cherchons naturellement la figure principale d'autorité.

C'est pourquoi c'est si facile pour nous de se laisser influencer par les messages marketing de coachs qui ont "réussi" sans questionner si ça s'applique à NOTRE business, NOS clients, NOTRE réalité.

Ici, ce n'est pas qu'une question "d'intelligence", d'expérience ou d'autonomie. Même moi, qui connait toutes les méthodes de manipulation psychologique associées au marketing et qui a fait de longues études suis victime de ce désir d'abdiquer mon autorité.

Ce que j'ai trouvé être le plus utile pour développer ma pensée critique dans le contexte entrepreneuriale, c'est d'être capable de prendre un pas de recul et d'analyser au niveau systémique les différentes dynamiques de pouvoir auxquelles je suis soumise.

Par exemple, en adoptant ma lunette féministe, je peux voir comment le pouvoir patriarcal perpétue insidieusement une dévalorisation des idées des femmes vs. celles des hommes. Je comprends aussi mieux le rôle des institutions et des marqueurs d'autorité (Dr., PhD, expert...) dans l'effacement de mon propre vécu et des mes propres idées.

Ainsi, lorsque je recherche une expertise ou de nouvelle donnée pour informer mes décisions, je peux mieux reconnaître les biais potentiels qui vont m'amener à déléguer mon autorité à une figure qui siègerait plus haut que moi dans la hiérarchie de pouvoir que j'ai intériorisé.

Et reconnaissant ces dynamiques, je peux ré-instituer mon autorité ou nuancer l'information que je reçois, ce qui me permet d'être beaucoup plus respectueuse des informations et de l'intelligence que je possède déjà.

Déconstruire les systèmes oppressifs que l'on a internalisé permet de développer ta propre autorité et choisir les opportunités qui ne servent pas uniquement les structures dominantes, mais bien celles que tu essaies intentionnellement de créer pour toi-même à travers ton entreprise. Et ça, c'est un des super-pouvoirs de l'entrepreneur conscient.

4. La pensée créative, aka cultiver sa dissidence

La majorité d'entre nous entrons dans l'entrepreneuriat par le biais de chemins connus : on reproduit exactement ce que font nos concurrents ou mentors au lieu de trouver des solutions adaptées à notre situation unique. Ça c'est parce que les chemins connus consomment moins d'énergie cognitive. Pas une surprise qu'on est submergé de contenu généré par chatGPT et qu'autant d'entreprises en ligne semblent sorties d'une chaîne de production Barbies.

Mais bien entendu, l'entrepreneuriat est fondamentalement un métier créatif, de solutions, de débrouillardise et d'innovation. Mais si on ne sait pas régulariser notre système nerveux, gérer notre risque ou adopter une posture critique, comment pourrions-nous "prendre la chance" d'être créatif?

C'est pourquoi il est important d'instaurer des pratiques intentionnelles où l'on exprime nos idées divergentes et nous nous donnons la possibilité d'essayer de nouveaux chemins. C'est la seule façon d'accéder au fameux Océan Bleu, soit cette niche, ce marché ou cette offre qui nous met dans une ligne complètement unique et qui, par ricochet, nous protège de la compétition.

5. L'action courageuse, aka incarner son rôle de leader

Enfin, la dernière méta-compétence de l'intelligence entrepreneuriale est peut-être la plus cruciale: la capacité à passer du discernement à l'action.

On l'a compris, notre cerveau limbique préfère la sécurité de l'inaction (la conformité du troupeau) plutôt que le saut dans l'inconnu. Mais en entrepreneuriat web, cette aversion naturelle au risque devient souvent notre principal obstacle. Surtout si l'on a rencontré un certain succès dans la conformité et le statu quo.

Le danger ici c'est de confondre action courageuse et l'impulsivité ou audace irréfléchi. Or, l'action courageuse est plutôt la capacité à avancer avec discernement, confiance et équanimité même quand l'incertitude et la peur persistent – ce qui est toujours le cas en entrepreneuriat.

Concrètement, cela veut dire de transformer ses intuitions en initiatives concrètes.
Décider sans attendre la validation unanime.
Créer ce que les autres n'imaginent pas encore.

Cette capacité est ce qui transforme une bonne entrepreneure en pionnière – quelqu'un qui ne se contente pas de naviguer dans le marché existant, mais qui contribue activement à façonner son évolution.

Pour qu'elle soit possible, l'action courageuse demande deux choses:

  • une acceptation totale et inconditionnelle du potentiel d'échec
  • la confiance irrémédiable que c'est tout de même la meilleure décision.

Lorsque ces deux conditions sont remplies, nous sommes en présence de ce que j'appelle l'ancrage: une pulsion directionnelle qui permet au leadership d'émerger.

Et pour que cet ancrage soit possible, nous devons avoir la conviction que nous avons la capacité à l'auto-compassion et au respect de soi dans le cas d'un échec.

Cette compétence de choisir l'action courageuse n'est pas qu'une voie vers l'argent, la reconnaissance et l'épanouissement, mais aussi vers la cohérence. Dans cette cohérence, on peut alors développer la résilience nécessaire pour continuer à avancer sur le chemin entrepreneurial, malgré les soubresauts et les inconforts que cela implique. L'action courageuse est la source de l'entreprise libératrice.

L'intelligence entrepreneuriale est la meilleure protection devant le changement inévitable

L'intelligence entrepreneuriale n'est pas un talent inné réservé à une élite. C'est une constellation de compétences que tu peux cultiver délibérément, une pratique qui s'affine avec le temps et l'expérience.

Quand tu développes ces cinq dimensions – la régulation émotionnelle, la gestion du risque, la pensée critique, la créativité divergente et l'action décisive – tu transformes radicalement ta relation à l'information qui t'entoure.

Bien entendu, n'est pas un processus instantané. Il y aura des moments où tu douteras, où tu te laisseras séduire par la promesse d'une formule magique. C'est normal – ton cerveau cherchera toujours la solution la plus économe en énergie.

Mais chaque fois que tu prends un pas de recul pour observer tes réactions instinctives, chaque fois que tu interroges critiquement une "vérité" entrepreneuriale, chaque fois que tu choisis d'honorer ta singularité plutôt que de suivre la masse – tu renforces cette intelligence qui t'est propre.

Et c'est précisément cette intelligence qui te permettra, non seulement de survivre dans le brouillard informationnel de notre époque, mais d'y tracer un chemin qui saura s'adapter à un environnement de plus en plus hostile et changeant.

En développant cette intelligence entrepreneuriale, tu ne seras plus à la merci de chaque nouvelle tendance ou de chaque nouvelle technique marketing. Tu pourras filtrer le bruit (externe ET interne) pour identifier ce qui compte vraiment pour TON business.

Si tu t'es rendue à la fin de cet article, je suis curieuse de savoir comment tu t'évalues sur les 5 compétences. Est-ce que tu es d'accord avec ma liste? Y en a-t-il que tu ajouterais?